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Ce projet de thèse a été sélectionné pour le programme doctoral « Interfaces Pour le Vivant » (IPV) de Sorbonne Université. Il est proposé par Lori Bridal (Laboratoire d’Imagerie Biomédicale, LIB), et Charlotte Lussey-Lepoutre (Paris Centre de recherche cardiovasculaire, PARCC), et co-encadré par Jérôme Gateau (LIB).
Le sujet entre maintenant dans la deuxième phase de sélection avec une audition des candidatures. Les dossiers de candidature au programme sont pour le 9 mai 2023. Pour candidater, envoyez avant le 24 avril 2023, une candidature à : ; et avec
- un CV détaillé ;
- une lettre de motivation comprenant le projet professionnel envisagé ;
- les relevés de notes de M1 & du 1er semestre de M2.
Le contexte scientifique du projet
Les paragangliomes sont des tumeurs neuroendocrines rares de la tête et du cou. Les mutations génétiques constitutionnelles sont responsables de ce type de cancer dans près de 40% des cas, dont les plus fréquentes sont les mutations des gènes codant pour la succinate déshydrogénase (SDHA, SDHB, SDHC et SDHD). Ces mutations affectent la respiration mitochondriale, le métabolisme des tumeurs, et font l’objet de nombreuses études par l’équipe « Génétique et métabolisme des cancers rares » du PARCC en particulier par Charlotte Lussey-Lepoutre. Les tumeurs SDHx-mutées étant hautement vascularisées, le recours à des thérapies antiangiogéniques qui bloquent la voie du VEGF constitue un espoir important pour les patients métastatiques, en particulier pour les formes très agressives liées aux mutations du gène SDHB. Le traitement par l’antiangiogénique sunitinib, dont le but est d’arrêter la croissance tumorale en empêchant la formation de nouveaux vaisseaux sanguins, est encourageant car il permet une stabilisation initiale de la maladie chez environ 80 % des patients. Malheureusement, une reprise de la croissance vasculaire est observée dans la majorité des cas après 6 à 12 mois de traitement [1] et s’accompagne d’une modification de la structure vasculaire : élargissement des vaisseaux, possiblement création de néovaisseaux [2].
Ce comportement est également observé chez le modèle murin de la maladie développé au PARCC [3], ce qui ouvre la voie à une étude préclinique approfondie de la structure des vaisseaux et leur efficacité à oxygéner les tissus. Il s’agit d’un modèle, bien maîtrisé et très reproductible, de tumeur sous cutanée développé à partir de cellules murines issues de la médullosurrénale avec une perte complète de Sdhb. En l’absence de modèle prédisposé avec mutation SDHB à développement tumoral rapide, c’est actuellement le meilleur modèle disponible. Il offre l’avantage de bien reproduire l’échappement au traitement par le sunitinib [4].
L’étude de la croissance tumorale et la mise en évidence de l’échappement au traitement nécessitent un suivi étroit et individuel de chaque patient – l’imagerie étant la méthode de choix en raison de son caractère non invasif. Les équipes du LIB et du PARCC développent des méthodes d’imagerie biomédicale pré-cliniques quantitatives des paramètres moléculaires et fonctionnels des tumeurs permettant leur suivi au cours du temps. Chaque méthode d’imagerie permet d’accéder à des paramètres différents, pour couvrir au mieux les fameux « hallmarks of cancer » de Hanaghan et Weinberg [5].
Notre hypothèse est que la combinaison simultanée de ces méthodes d’imagerie permettra de mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre dans le développement tumoral des paragangliomes et leur échappement thérapeutique. Le LIB possède une expertise forte dans trois méthodes d’imagerie basées sur l’utilisation de détecteurs ultrasonores : la microscopie par localisation ultrasonore (ULM, développée par Olivier Couture), l’imagerie de contraste ultrasonore (CUS, développée par Lori Bridal) et l’imagerie photoacoustique (PA, développée par Jérôme Gateau).
L’imagerie ULM utilise une imagerie haute cadence et la localisation individuelle d’agents de contraste ultrasonores (microbulles injectables) pour obtenir une imagerie super-résolue (résolution spatiale 20 µm) du réseau vasculaire [6]. Cette méthode d’imagerie permet de quantifier l’élargissement des vaisseaux sanguins et les modifications de flux et d’architecture du réseau vasculaire. Elle est actuellement déployée en 3D avec une sonde échographique matricielle (réseau 2D de détecteurs). L’imagerie CUS repose sur la détection spécifique des mêmes agents de contraste ultrasonores comme traceurs indirect du flux sanguin permettant, par l’analyse de l’arrivée d’un bolus, une cartographie rapide et sensible de l’hétérogénéité du débit sanguin et du temps de transit dans la tumeur. L’imagerie PA est basée sur la conversion d’une excitation lumineuse en ultrasons, et permet d’imager l’absorption optique en profondeur dans les tissus avec une résolution de l’ordre de 100 µm. En utilisant la différence de couleur de l’hémoglobine oxygénée et désoxygénée, l’imagerie PA multispectrale permet de cartographier la saturation en oxygène des tissus. L’imagerie PA est actuellement déployée au LIB en 3D avec un balayage de détecteur [7] et sera adapté à une sonde échographique matricielle. L’ULM, le CUS et la PA étant basées sur un même détecteur, elles peuvent être enregistrées au cours d’une même session d’imagerie, en alternant excitation optique (PA) et excitation ultrasonore (ULM, CUS), afin d’avoir des cartographies 3D superposées de la structure et distribution microvasculaire (ULM, CUS), de la perfusion (ULM) et de l’oxygénation des tissus (PA).
Le PARCC possède une expertise unique en imagerie PETRUS, développée par Bertrand Tavitian, qui couple la Tomographie à Emission de Positons (TEP/TDM) pour l’imagerie du métabolisme glucidique au 18F-FDG, analogue du glucose marqué au Fluor 18 émetteur de positons, avec l’imagerie ultrasonore Doppler ultrarapide afin d’obtenir des cartographies superposant perfusion sanguine et consommation de glucose [3], [8]. De façon intéressante, nous avons montré la possibilité de mettre en évidence par une approche d’apprentissage machine de l’imagerie PETRUS, des états intermédiaires entre la réponse et l’échappement au traitement par le sunitinib chez le modèle de paragangliome murin, qui pourraient signer la réponse ou la non-réponse au traitement [9]. Par ailleurs, le PARCC possède les équipements (échographe, laser, fibre optique obtenue par un financement SESAME IDF) pour intégrer l’imagerie PA et l’imagerie ULM et CUS avec une caméra TEP/TDM préclinique. La combinaison des imageries ULM, CUS, PA et TEP dans un même instrument permettra d’obtenir une imagerie multi-paramétrique spatialement et temporellement superposée pour une véritable caractérisation physiologique et métabolique des tumeurs.
Les questions posées
Deux questions biologiques principales seront explorées, chez le modèle murin de paragangliome et par imagerie in vivo, au cours de ces travaux de thèse :
1) Lors de la croissance de la tumeur sans traitement, quelle est l’évolution des structures vasculaires (ULM, CUS), de l’oxygénation de tissus (PA) et la consommation de glucose (TEP) ? Cette question correspond à un besoin de caractérisation du modèle avec les nouvelles modalités d’imagerie et servira de référence pour la compréhension des mécanismes induits par le traitement.
2) Lors de l’échappement au traitement par le sunitinib (reprise de la croissance vasculaire), quelle est la structure et le flux de la néovascularisation (ULM) ? Est-ce que la perfusion sanguine est très hétérogène (CUS) ? Est-ce que cette vascularisation est efficace du point de vue de l’oxygénation tissulaire (PA) ? Est-ce que les cellules sont en fonctionnement hypoxique (comparaison TEP et PA) ?
Les sources de données qui seront utilisées
Les données seront acquises expérimentalement dans les modèles murins de paragangliome avec et sans traitement antiangiogénique. Les protocoles d’expérimentation déjà validés par le comité d’éthique (APAFiS #16922) seront amendés pour inclure la nouvelle imagerie PA, optimisée afin de réduire le nombre d’animaux utilisés en assurant la puissance statistique nécessaire pour répondre aux objectifs de l’étude.
Les méthodes
Les modèles murins de paragangliomes seront implémentés selon le protocole maitrisé au PARCC. Les tumeurs murines allogreffées seront obtenues par injection sous-cutanée de 2,5×106 cellules chromaffines immortalisées de souris (imCC) portant un knockout homozygote du gène Sdhb, dans les flancs de souris femelles NMRI-nu âgées de 10 semaines. Les tumeurs sous-cutanées obtenues seront ensuite propagées dans le coussin adipeux dorsal (fat pad) d’une seconde série de souris permettant d’obtenir un modèle de développement tumoral rapide et idéalement situé pour l’imagerie [3], [10]. Les méthodes d’imagerie 3D seront développées à partir des équipements disponibles au PARCC et au LIB, et en utilisant une sonde échographique matricielle conçue pour pouvoir être introduite dans l’imageur TEP. A noter que la caméra TEP-TDM dispose d’une ouverture large de 16 cm de diamètre permettant d’introduire les éléments supplémentaires nécessaires à l’imagerie PA (fibre optique, sonde écho) tout en corrigeant l’atténuation des rayons gamma [11].
Le développement de l’imagerie quadrimodale combinant imagerie ULM, CUS, PA et PET se fera en plusieurs étapes. Tout d’abord, les imageries 3D ULM, CUS et PA seront combinées avec la sonde matricielle et validées sur un milieu modèle (fantôme d’imagerie). Puis, elles seront déployées in vivo. Ensuite, la combinaison sera insérée dans l’imageur TEP/TDM et la superposition des images sera validée sur un fantôme d’imagerie comportant des tubes pouvant accueillir des agents de contraste de toutes les modalités (microbulles, absorbeurs optiques et 18F-FDG).
Les cartographies paramétriques issues des différentes modalités seront générées et co-référencées pour l’analyse multiparamétrique des caractéristiques structurelles (architecture et hétérogénéité du réseau vasculaire) et fonctionnelle (métabolisme glucidique, flux microvasculaire, oxygénation) pour confrontation avec des données invasives obtenu par l’histologie et l’évolution de la taille et de la réponse thérapeutique des tumeurs.
Le calendrier prévisionnel
Le calendrier prévisionnel de la thèse se compose de 4 grandes parties :
1) Mise en place d’un imageur 3D ULM, CUS et PA avec une sonde ultrasonore matricielle (0-12 mois)
2) Imagerie du modèle animal avec et sans traitement antiangiogénique. Deux sessions d’imagerie seront implémentées : une session combinant ULM, CUS et PA pour corréler les informations de vascularisation et oxygénation, et une session combinant TEP/TDM et Doppler ultrasonore réalisée avec l’instrument PETRUS. (9 mois – 21 mois)
3) Imagerie 3D ULM, CUS et PA incorporée dans la caméra TEP/TDM pour une imagerie quadrimodale (18 – 30 mois)
4) Rédaction (30-36 mois)
Bibliographie
[1] G. M. O’Kane et al., “A phase 2 trial of sunitinib in patients with progressive paraganglioma or pheochromocytoma: the SNIPP trial,” Br. J. Cancer, vol. 120, no. 12, pp. 1113–1119, 2019, doi: 10.1038/s41416-019-0474-x.[2] G. Bergers and D. Hanahan, “Modes of resistance to anti-angiogenic therapy,” Nat. Rev. Cancer, vol. 8, no. 8, pp. 592–603, 2008, doi: 10.1038/nrc2442.
[3] C. Facchin et al., “Concurrent imaging of vascularization and metabolism in a mouse model of paraganglioma under anti-angiogenic treatment.,” Theranostics, vol. 10, no. 8, pp. 3518–3532, 2020, doi: 10.7150/thno.40687.
[4] S. Moog et al., “Preclinical evaluation of targeted therapies in Sdhb-mutated tumors.,” Endocr. Relat. Cancer, vol. 29, no. 6, pp. 375–388, May 2022, doi: 10.1530/ERC-22-0030.
[5] D. Hanahan and R. A. Weinberg, “Hallmarks of cancer: The next generation,” Cell, vol. 144, no. 5, pp. 646–674, 2011, doi: 10.1016/j.cell.2011.02.013.
[6] O. Couture, V. Hingot, B. Heiles, P. Muleki-Seya, and M. Tanter, “Ultrasound localization microscopy and super-resolution: A state of the art,” IEEE Trans. Ultrason. Ferroelectr. Freq. Control, vol. 65, no. 8, pp. 1304–1320, 2018, doi: 10.1109/TUFFC.2018.2850811.
[7] C. Linger et al., “Volumetric and Simultaneous Photoacoustic and Ultrasound Imaging with a Conventional Linear Array in a Multiview Scanning Scheme,” Jan. 2023, [Online]. Available: http://arxiv.org/abs/2301.00706.
[8] J. Provost et al., “Simultaneous positron emission tomography and ultrafast ultrasound for hybrid molecular, anatomical and functional imaging,” Nat. Biomed. Eng., vol. 2, no. 2, pp. 85–94, 2018, doi: 10.1038/s41551-018-0188-z.
[9] N. Mansouri et al., » Machine learning of multi-modal tumor imaging reveals trajectories of response to precision treatment », Cancers, in press.
[10] C. Lussey-Lepoutre et al., “In Vivo Detection of Succinate by Magnetic Resonance Spectroscopy as a Hallmark of SDHx Mutations in Paraganglioma.,” Clin. Cancer Res., vol. 22, no. 5, pp. 1120–9, Mar. 2016, doi: 10.1158/1078-0432.CCR-15-1576.
[11] M. Perez-Liva et al., » Performance evaluation of the PET component of a hybrid PET/CT-ultrafast ultrasound imaging instrument ». Phys Med Biol., vol. 63(19), 19NT01; Sept 2018. doi: 10.1088/1361-6560/aad946.